Hiver à deux
Le village est vêtu de blanc. L’herbe des prés est dissimulée sous presque un mètre de neige. Les toits des maisons ont eux aussi disparu sous les flocons. Les fenêtres sont éteintes. La fumée qui s’échappe des cheminées se devine à peine sur le ciel nébuleux. Quelques filets de brume serpentent entre les collines et se nichent dans les creux de la vallée. Seule la forme sombre des sapins vient contraster avec le décor uniforme et pâle.
Tout est silencieux. Les premiers rayons de soleil traversent le brouillard et viennent caresser la couche de neige fraîche qui semble alors couverte de millions de paillettes dorées, unique reflet chaud dans cette scène glaciale. Le décor est lisse, inanimé, pourtant il est beau, presque magique. Pas un bruit ne vient perturber le calme de la campagne. Les champs sont nus, les vaches ont été rentrées dans les étables depuis quelques mois déjà. Les rues du village aussi sont désertes, personne n’ose s’aventurer dehors à une heure si matinale, lorsque règnent les célèbres températures négatives de la vallée.
Une silhouette vient cependant perturber l’harmonie du paysage. Elle traverse le village et son profil s’efface à l’angle d’une bâtisse. Elle réapparaît quelques minutes plus tard, accompagnée d’un deuxième spectre. Les deux amants s’éloignent main dans la main. Leurs ombres se découpent sur la grande étendue blanche alors qu’ils montent à travers les champs, puis elles s’évanouissent de l’autre côté de la colline.